Immobilier locatif : l'exclusion progressive des passoires thermiques annonce un choc majeur sur l’offre de logements

Publié le 07 Déc 2025

Immobilier locatif : l'exclusion progressive des passoires thermiques annonce un choc majeur sur l’offre de logements

Le marché locatif français, déjà marqué par une pénurie croissante de biens disponibles, s’apprête à traverser l’un des plus grands bouleversements de son histoire récente : la disparition progressive des logements énergivores, souvent qualifiés de « passoires thermiques ».


Après l’exclusion des biens classés G, déjà effective, ce sont les catégories F puis E qui seront progressivement retirées du marché locatif.


Ce changement réglementaire, conçu pour améliorer la performance énergétique du parc immobilier, risque pourtant d’aggraver la tension locative dans de nombreuses régions. Une récente analyse publiée par l’Observatoire du réseau Guy Hoquet apporte des chiffres clés pour mieux comprendre ce phénomène et ses implications.


Les biens classés G : un impact encore limité sur l’offre… mais ce n’est qu’un début

Depuis le début de l’année, les logements classés G sont considérés comme indécents et ne peuvent plus être proposés à la location. Sur le papier, cette mesure paraît significative, mais dans les faits, elle touche une part relativement faible du marché.
D’après les données analysées, ces biens ne représentent qu’environ 1,4 % du parc disponible à la location. Leur retrait a donc eu un impact immédiat mais limité, surtout dans les zones où la demande reste très supérieure à l’offre.

Cependant, cette première étape n’était qu’un préambule. Les échéances à venir, concernant des portions beaucoup plus importantes du parc, annoncent une véritable rupture d’équilibre.


2028 et 2034 : deux dates clés qui pourraient transformer l’accès au logement

Le calendrier réglementaire est clair :

🔹2028 : interdiction de louer les logements classés F

🔹2034 : interdiction de louer les logements classés E

À elles seules, ces deux catégories regroupent une part significative du parc locatif français. Leur retrait pourrait donc provoquer une baisse massive du nombre de logements disponibles.
On parle ici de plusieurs centaines de milliers de biens potentiellement concernés dans les prochaines années.

Pour de nombreux propriétaires, la rénovation énergétique devient la seule alternative pour maintenir leur bien sur le marché. Mais les coûts associés – isolation, menuiseries, chauffage, ventilation – représentent souvent un investissement conséquent, difficilement supportable pour une partie d’entre eux.


Un marché déjà sous tension : le risque d’un effondrement de l’offre

Dans un contexte où l’accès au logement devient de plus en plus compliqué, l’interdiction progressive des logements énergivores pourrait créer un véritable goulet d’étranglement.

Dans de nombreuses villes, notamment celles où le parc immobilier est ancien – centres historiques, zones rurales, communes avec un patrimoine vieillissant –, les biens classés E et F représentent une part importante de l’offre actuelle. Leur disparition sans rénovation préalable pourrait entraîner :

🔹une diminution brutale du nombre de biens disponibles,

🔹une hausse mécanique des loyers sur les logements restants,

🔹une compétition accrue entre locataires,

🔹l’exclusion des revenus modestes, incapables de rivaliser dans un marché contracté.

Certaines zones, déjà en situation de tension extrême, pourraient être particulièrement touchées : grandes agglomérations, zones touristiques, et villes moyennes avec un parc ancien.


Comment se louent aujourd’hui les logements énergivores ?

Malgré leurs lacunes énergétiques, les logements classés G, F ou E trouvent encore facilement preneur sur un marché où la demande dépasse largement l’offre. Leur principal avantage : un loyer souvent plus accessible, ce qui attire les étudiants, les jeunes actifs, et les foyers à revenus modestes.

Selon les observations du terrain, ces biens bénéficient encore d'une vacance locative courte et restent prisés dans les zones tendues.
Mais cette dynamique ne pourra perdurer qu’à court terme. L'interdiction progressive de mise en location change totalement les perspectives : un logement mal classé risque de perdre non seulement sa valeur locative, mais également sa valeur patrimoniale si aucune rénovation n’est entreprise.


Propriétaires : rénovation ou sortie du marché ?

Face aux futures interdictions, les propriétaires sont confrontés à deux choix :

1. Rénover pour continuer à louer

C’est la solution la plus logique… mais aussi la plus coûteuse. Les rénovations nécessaires pour améliorer une étiquette énergétique peuvent aller de quelques milliers à plusieurs dizaines de milliers d’euros selon le logement.
Certaines aides existent, mais elles ne couvrent pas toujours la totalité des travaux.

2. Sortir du marché locatif

Faute de moyens pour rénover, de nombreux propriétaires pourraient décider de vendre leur bien plutôt que de le mettre en conformité.
Ce phénomène pourrait entraîner :

🔹une augmentation des ventes de biens anciens à rénover,

🔹un repositionnement de certains investisseurs,

🔹et une diminution durable du nombre de biens proposés à la location.


L’exclusion progressive des passoires thermiques marque un tournant décisif pour le marché locatif français. Si l’objectif environnemental est incontestable, les conséquences sur l’accès au logement risquent d’être considérables si la transition n’est pas accompagnée de mesures plus fortes pour soutenir les propriétaires.

Avec les bannissements programmés des classes F en 2028 puis E en 2034, la France pourrait faire face à un effondrement partiel de l’offre locative, particulièrement dans les territoires où le parc immobilier est le plus ancien.
La question n’est plus de savoir si le marché va être bouleversé, mais dans quelle ampleur.